Synergie adaptation atténuation, quelle pertinence pour le Bassin du Congo ?

Madame Tiani Anne Marie, Coordonnatrice du projet COBAM

Madame Tiani Anne Marie, Coordonnatrice du projet COBAM

Le Bassin du Congo, avec ses 180 à 200 millions d’hectares de forêts correspondant à 30-34 gigatonnes de carbone, est classé second plus grand massif forestier du mondeC’est donc à juste titre qu’il est perçu par la communauté globale sous le prisme de l’atténuation. Cependant, son énorme potentiel pour la REDD+ occulte l’extrême vulnérabilité de ses populations. En effet, les forêts du Bassin du Congo abritent 90 millions de personnes, avec 62% vivant en milieu rural, dont la survie dépend dans une large mesure des biens et des services rendus par ces forêts. En outre, la forêt fournit l’énergie à plus de 80% de ménages, et protège les bassins versants qui fournissent et recyclent de l’eau pour les centrales hydroélectriques.

La déforestation et la dégradation augmentent en même temps que la démographie, réduisant la quantité et la qualité de biens et services disponibles. Parallèlement, il y a augmentation de la consommation du bois énergie, extension des surfaces agricoles et recrudescence de la compétition entre les forêts et d’autres formes d’utilisation des terres (pour l’agriculture, l’exploitation minière, la conservation de la biodiversité, l’infrastructure, etc.).

L’Afrique centrale est particulièrement vulnérable aux perturbations climatiques à cause de la très faible capacité d’adaptation de ses populations. De ce fait, L’adaptation et l’atténuation sont deux stratégies à y mener de front. Tandis que l’atténuation s’attaque aux causes en réduisant la teneur de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, l’adaptation en vise les effets.

Par le passé, l’adaptation et l’atténuation ont longtemps été prises en compte séparément dans les négociations internationales. La complémentarité de ces deux approches est de plus en plus reconnue, en particulier dans les secteurs forestier et agricole. La CNUCC (2009) a donné le ton en prônant la synergie entre l’adaptation et l’atténuation, qui peut réduire les coûts d’opportunité et améliorer l’efficience du processus de lutte contre les changements climatiques.

De même, les sauvegardes des standards (CCBA) prennent explicitement en compte l’adaptation.

Au niveau national, les préoccupations climatiques sont portées par les ministères en charge de l’environnement. S’il est compréhensible qu’il y ait une répartition des tâches en vue d’aboutir à plus d’efficacité, le cloisonnement observé entre les processus d’adaptation et d’atténuation est de nature à créer une grande confusion, dans la mesure où les deux processus ont pour cible privilégiée les populations locales, désignées à tort ou à raison comme les premiers agents de la déforestation et dégradation d’une part, et constituant la frange la plus vulnérable aux changements climatiques d’autre part.

A cet effet, les projets d’atténuation (REDD+ par exemple) peuvent réduire la pression anthropique sur les forêts et, de ce fait, conserver ou augmenter le stock de carbone et préserver la biodiversité et son habitat. De plus, ils peuvent augmenter les capacités des écosystèmes à fournir des biens et services écologiques qui assureraient la sécurité alimentaire et la diversification des sources de revenus en période de récession. Les projets d’adaptation, quant à eux, peuvent être conçus de manière à préserver ou accroitre le stock de carbone. C’est le cas de l’agroforesterie, de la restauration des zones dégradées ou des cacaoyères boisées avec des espèces à usages multiples.

La barrière entre les deux processus n’est donc pas si étanche. Un projet REDD+ peut être plus durable s’il intègre des mesures d’adaptation qui ciblent les besoins immédiats des communautés. Un projet d’adaptation qui contribue à l’atténuation peut bénéficier du financement carbone. Le défi reste de concevoir une gestion forestière qui valorise son triple rôle d’atténuation, d’adaptation et de développement résilient, de manière à concilier les multiples usages de la forêt, y compris la production du carbone, la sécurité alimentaire, énergétique, l’éradication de la pauvreté, la régénération et le recyclage de l’environnement.

Le présent numéro de COBAM News s’articule autour d’argumentaires axés sur la synergie entre adaptation et atténuation. Dans un premier temps, ce numéro met en exergue les résultats de recherche sur la synergie entreprise par COBAM à divers niveaux; et dans un second temps, il présente les activités de renforcement de capacités, de recherche ou de communication effectuées au cours de ce trimestre; suivent des informations générales et des brèves, qui sont un condensé des évènements liés aux changements climatiques et aux forêts dans le Bassin du Congo; et enfin l’agenda, qui annonce les divers rendez-vous à venir.

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